Attaque spéculative
Introduction
Les détracteurs de Bitcoin[1] agitent leurs mains dans tous les sens pour expliquer pourquoi le Bitcoin ne peut pas devenir populaire. Ils s’inquiètent joyeusement du fait que le Bitcoin ne parviendra pas à franchir le gouffre de l’innovation :
- C’est trop compliqué
- Il n’a pas la bonne structure de gouvernance[2]
- La sécurité est trop complexe pour être bien faite
- Les systèmes de paiement fiat existants ou à venir sont ou seront supérieurs
- C’est trop volatile
- Le gouvernement va le bannir
- Cela ne montera pas en échelle
La réponse de la communauté Bitcoin est soit d’argumenter les points ci-dessus[3] sans fin ou de trouver leur Bitcoin Jonah[4] intérieur avec des platitudes comme :
- Bitcoin la monnaie ne compte pas, c’est la technologie blockchain qui importe
- Ce serait mieux si la technologie blockchain était utilisée par les banques et les gouvernements
- Bitcoin devrait continuer dans sa niche de bit-curieux, c’est juste une expérience
- Fiat et Bitcoin vivront côte à côte, heureux pour toujours
- Bitcoin est le Myspace des “monnaies virtuelles”
Les sophismes ci-dessus méritent chacun leur propre article, ne serait-ce que pour analyser les archétypes psycho-sociaux des perroquets concernés.
Quelques unes des critiques mentionnées plus haut son correctes, mais ce sont des non sequitur complets. Le Bitcoin ne sera pas adopté avec empressement par le grand public, il lui sera imposé. Imposé, comme dans “contraint par la réalité économique”. Les gens seront obligés de payer avec des bitcoins, non pas à cause de la “technologie”, mais parce que personne n’acceptera leur fiat sans valeur en guise de paiement. Contrairement à la croyance populaire, la bonne monnaie chasse la mauvaise. Cette “éviction” a commencé par une petite hémorragie du fiat. Elle va rapidement se transformer en hémorragie de classe IV en raison des attaques spéculatives sur les monnaies fiduciaires faibles. Le résultat final sera l’hyperbitcoinisation, c’est-à-dire que “votre argent n’est pas bon ici”.
La loi de Thier : le bon argent chasse le mauvais
Les bitcoins ne sont pas seulement une bonne monnaie, ils sont la meilleur monnaie.[5] Le réseau Bitcoin a la meilleure politique monétaire[6] et la meilleure marque[7]. Nous devons donc nous attendre à ce que les bitcoins chassent les mauvaises monnaies, les monnaies faibles.[8] Par quel processus les bitcoins deviendront-ils la monnaie dominante ? Quelles monnaies fiduciaires seront les premières à disparaître ? Ce sont les questions qui nous intéressent aujourd’hui, car les prémisses nécessaires à ces questions sont déjà des vérités établies.[9]
1. L’hémorragie fiat
La tendance actuelle du Bitcoin est d’augmenter de valeur en suivant une ligne à tendance exponentielle à mesure que de nouveaux utilisateurs arrivent par vagues. La bonne monnaie chasse “lentement” la mauvaise. Deux facteurs expliquent ce phénomène:
- La réduction de l’asymétrie d’information – les gens se renseignent sur le Bitcoin et arrivent à la réalisation que les bitcoins sont en effet la meilleure monnaie. Motifs possibles qui se chevauchent :
- TDAH – fétichisme compulsif de la nouveauté induit par notre culture consumériste d’après-guerre et/ou processus biologiques innés
- FOMO (fear of missing out) – peur de manquer quelque chose, voir la théorie du regret et les endogroupes, c’est-à-dire l’avarice et la recherche de statut
- TSPI – trouble de stress post-internet, alias “disruption”, “le prochain gros truc”, “internet de l’argent”
- Augmentation de la liquidité – l’achat de bitcoins est plus pratique et implique moins de frais qu’il y a un an. On peut raisonnablement prévoir que ce sera également le cas dans un an. Pourquoi ? Parce que la vente de bitcoins est une activité profitable et concurrentielle. Pourquoi ? Parce que les gens veulent des bitcoins, voir ci-dessus.
Du fait de la psychologie de groupe, ces nouveaux venus arrivent par vagues. Les vagues ont un effet déstabilisant sur le taux de change : les spéculateurs ne sont pas sûr de l’amplitude ou de la longueur d’onde de l’adoption, et les parieurs amateurs se laissent subermerger par leur excitation ainsi que la peur qui s’ensuit. Quoi qu’il en soit, une fois que la marée est retirée et que les mains faibles ont plié, le prix est plusieurs fois plus élevé qu’avant la vague. Cette “hémorragie lente” est le modèle d’adoption actuelle, et les commentateurs supposent généralement l’une des choses suivantes :
- L’hémorragie lente n’a jamais eu lieu, c’est une fiction basée sur des données trompeuses
- L’hémorragie lente s’est arrêtée, les motivations plus haut ne concernent que les lolbertariens et les adolescents en colères
- Le processus va s’atténuer maintenant, car toutes les personnes très au fait de la technologie sont déjà à bord
Ma prédiction est que l’hémorragie lente s’est accélérée et qu’elle n’est que la première étape. La deuxième étape sera celle des attaques spéculatives qui utilisent les bitcoins comme plate-forme. La troisième et dernière sera l’hyperbitcoinisation.
2. Les crises monétaires
L’hémorragie lente mène à une crise monétaire à mesure que la valeur attendue des bitcoins se solidifie dans l’esprit des gens. Au début, ils sont conservateurs, ils investissent “ce qu’ils peuvent se permettre de perdre”. Après 12 à 18 mois, la valeur de leur petite réserve de bitcoins a considérablement augmenté. Ils ne voient aucune raison pour que cette tendance s’inverse à long-terme : les fondamentaux se sont améliorés et pourtant l’adoption reste faible. Leur confiance augmente. Ils achètent plus de bitcoins. Ils rationalisent : “eh bien, ce n’est que [1-5%] de mes investissements”. Ils voient le prix s’effondrer à quelques reprises, en raison de l’éclatement de bulles ou de simple ventes paniques – cela les incite à en acheter davantage, “une bonne affaire”. Le Bitcoin augmente à l’actif de leur bilan.
Du côté du passif du bilan du bitcoiner, il y a les prêts hypothécaires, les prêts étudiants, les prêts automobiles, les cartes de crédit, etc. Tout le monde recommande aux gens de ne pas emprunter pour acheter des bitcoins. La réalité est que l’argent est fongible : si vous achetez des bitcoins au lieu de rembourser le principal de votre prêt hypothécaire, vous investissez dans le Bitcoin avec un effet de levier. Presque tout le monde est un investisseur dans le bitcoin avec effet de levier, car cela a un sens économique (dans la limite du raisonnable). Le coût de l’emprunt (taux d’intérêt annualisés allant de 0 à 25%) est inférieur au rendement attendu de la possession de bitcoins.
Le degré d’endettement du bilan d’une personne dépend du rapport entre l’actif et le passif. L’attrait de l’effet de levier augmente si les gens pensent que les dettes libellées en monnaie fiduciaire vont diminuer en termes réels, c’est-à-dire s’ils s’attendent à ce que l’inflation soit supérieure au taux d’intérêt qu’ils paient. À ce moment-là, il devient évident qu’il faut emprunter la monnaie locale faible en utilisant n’importe quelle garantie acceptée par une banque, d’investir dans une monnaie étrangère forte et de rembourser le prêt plus tard avec les gains réalisés. Dans ce processus, les banques créent davantage de monnaie faible, ce qui amplifie le problème.
Si les particuliers, les entreprises ou les institutions financières empruntent leur monnaie locale pour acheter des bitcoins, le prix des bitcoins dans cette monnaie augmente par rapport aux autres devises. Pour illustrer, disons que les Indiens de la classe moyenne achètent du Bitcoin au compte-gouttes. Des milliers d’acheteurs se transforment en centaines de milliers d’acheteurs. Ils empruntent des roupies indiennes en utilisant les garanties vierges qu’ils possèdent - maisons, entreprises, bijoux en or, etc. Ils utilisent ces roupies pour acheter des bitcoins. Le prix des bicoins en roupies indiennes augmente, un premium se développe par rapport aux autres paires de devises. Un bitcoin en Inde pourrait valoir 600 dollars, alors qu’il se négocie à 500 dollars aux États-Unis. Les traders achèteraient des bitcoins aux États-Unis et les vendraient en Inde pour un gain de 100 dollars. Ils vendraient ensuite leurs roupies indiennes contre des dollars. Cela affaiblirait la roupie indienne, causant une inflation des importations et des pertes pour les investisseurs étrangers. La banque centrale indienne devrait soit augmenter les taux d’intérêt pour rompe le cycle, soit imposer du contrôle des capitaux, soit dépenser ses réserves de devises étrangères pour essayer de soutenir le taux de change de la roupie. Seule l’augmentation des taux d’intérêt serait une solution durable, mais elle précipiterait le pays dans une récession.
L’augmentation des taux d’intérêt par la banque centrale indienne pose un énorme problème : le rendement historique du bitcoin est de ~500% par an. Même si les investisseurs s’attendent à un rendement futur qui vaut 1/10e de ce chiffre, la banque centrale devrait augmenter les taux d’intérêt à des niveaux inadmissibles pour briser l’attaque. Le résultat est évident : tout le monde fuirait la roupie et adopterait les bitcoins, en raison de la contrainte économique plutôt que de l’illumination technologique. Cet exemple est purement illustratif, il pourrait se produire dans un petit pays dans un premier temps, ou se produire simultanément dans le monde entier. Qui fera levier avec son bilan et comment est impossible à prédire, et sera impossible à stopper lorsque le barrage craquera.
Quels sont les pays les plus vulnérables à une crise monétaire ? Business Insider fournit une liste utile ici. Les bitcoins devront atteindre un certain seuil de liquidité, indiqué par un échange solide dans chaque centre financier et une masse monétaire réelle - c’est-à-dire une capitalisation boursière - d’au moins 50 milliards de dollars, avant de pouvoir être utilisés comme instrument dans une attaque spéculative. Cela coïncidera avec une crise monétaire ou la provoquera.
3. L’hyperbitcoinisation
Une attaque spéculative qui semble isolée à une ou quelques monnaies faibles, mais qui provoque une hausse du pouvoir d’achat des bitcoins, se transformera rapidement en contagion. Par exemple, les Suisses verront le prix des bitcoins se multiplier par dix, puis par cent. À la limite, ils achèteront des bitcoins simplement parce qu’ils veulent spéculer sur leur valeur, et non en raison d’un problème inhérent au franc suisse. La réflexivité ici implique que la réduction de la demande de francs suisses entraînerait en fait une inflation plus élevée que prévue et donc un problème inhérent au franc suisse. La boucle de rétroaction entre l’inflation des monnaies fiduciaires et la déflation des bitcoins va plonger le monde dans une hyperbitcoinisation totale, expliquée par Daniel ici.
Conclusion
Le Bitcoin va se généraliser. Les sceptiques du Bitcoin ne le comprennent pas en raison de leur préjugés et de leur manque de connaissances financières. Premièrement, ils se trouvent dans une chambre d’écho aussi forte ques les sceptiques du Bitcoin.[10] Ils cherchent rageusement des preuves qui confirment leur point de vue sur le bitcoin. Deuxièmement, ils comprennent mal comment des monnaies fortes comme le Bitcoin prennent le dessus sur des monnaies faibles comme le dollar : c’est par le biais d’attaques spéculatives causées par les investisseurs, et non par l’évaluation des journalistes tech et des “consommateurs grand public”. Pour rendre hommage à ces sceptiques sur la voie de l’extinction, le Nakamoto Institute a lancé un Hommage aux Affirmations Effrontées.
Non, sérieusement, il y a des gens sur Internet qui passent un temps non négligeable à écrire sur une monnaie dont ils pensent qu’elle va échouer bien qu’elle continue pourtant à réussir au-delà des attentes de tous. Leur manque de schadendreude me procudre du schadenfreude. Il est vrai que quelques-uns d’entre eux sont payés pour écrire des articles controversés et/ou pour troller - des activités que je respecte et comprends. ↩︎
C’est ce qu’affirment généralement ceux qui font partie du “groupe out” et qui fantasment à l’idée d’être dans le “groupe in” au travers de la politique ou de leur pédigré plutôt qu’au travers de processus économiques ou méritocratiques. D’un point de vue démographique, ils correspondent probablement aux fans de The Secret. Économiquement, ils sont sans exception des bezzlers. ↩︎
Bitcoin est entré dans son Septembre Éternel où chaque personne nouvelle dans Bitcoin pense qu’elle a une compréhension unique de Bitcoin et que tout le monde devrait en entendre parler. Il y a un afflux sans fin de débutants “inquiets” de tel et tel “problème” avec Bitcoin. La communauté Bitcoin rend un mauvais service à ces arrivistes en les prenant au sérieux au lieu de leur dire simplement “lis plus”. ↩︎
L’opposé de Bitcoin Jesus. Bitcon Jonah est un défaitiste, s’auto-sabotant, et un “homme” timide en quête permanente d’affirmer les faiblessses de Bitcoin. ↩︎
Bitcoin is the Best Unit of Account par Daniel Krawisz ↩︎
The Bitcoin Central Bank’s Perfect Monetary Policy par Pierre Rochard ↩︎
Bitcoin Has No Image Problem par Daniel Krawisz ↩︎
Hyperbitcoinisation par Daniel Krawisz ↩︎
Si vous n’êtes pas d’accord, soit vous n’avez pas étudié, soit vous n’avez pas pris part au débat, retournez à la première case. ↩︎
‘Je vis dans un monde plutôt spécial. Je ne connais qu’une personne qui a voté pour Nixon. Où sont-elles, je ne sais pas. Elles sont hors de mon champ de vision. Mais parfois quand je suis dans un théâtre, je peux les sentir’. - Pauline Kael ↩︎
Translated by Singe Ωptimiste
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