Vers un Ordre Mondial Nodal
First published on The Bitcoin Times
Introduction
L’état primordial de l’homme est la pauvreté. La nature est impitoyable dans la rareté des moyens qu’elle met à disposition. Sur une surface donnée de terre et avec une quantité fixe de technologie, il y a une limite physique à la production du travail. Comme l’observe Hans-Hermann Hoppe :
Il n’existe qu’un seul moyen pour une telle société stationnaire d’augmenter encore le revenu réel par habitant ou de croître en taille sans perte de revenu par habitant : l’innovation technologique, c’est-à-dire l’utilisation d’outils meilleurs et plus efficaces, rendue possible par les économies réalisées par l’abstinence de loisirs ou d’autres consommations immédiates.
Il conclut que ce n’est qu’en abaissant la préférence temporelle pour accumuler une quantité croissante de biens d’équipement et de technologie, qu’il fut possible de s’extirper du piège malthusien tendu par les limites de ressources immédiatement disponibles, donnant ainsi le coup d’envoi de la révolution industrielle.[2]
En l’absence d’un certain montant de capital et d’un volume donné de production, les niveaux de vie que nous tenons pour acquis ne sont pas possibles physiquement. Durant la révolution industrielle, de nombreux enfants ont dû chercher du travail dans des usines dangereuses pour apporter leur contribution au revenu familial. C’est la « théorie de la productivité des salaires », ainsi nommée par George Reisman, qui a permis de s’en sortir : une augmentation de la productivité, grâce à l’accumulation de capital, par laquelle chaque unité monétaire gagnée permet d’acquérir plus de biens de consommation sur le marché. Par ce processus, les familles purent réunir assez de ressources avec moins de salariés. Les enfants purent quitter l’usine, et il fut possible de s’offrir plus de loisirs en général.[3]
Cependant, les outils ne sont que des outils, et une idéologie publique peut en empêcher l’utilisation la plus productive. Mark Thornton fait remarquer que le recours odieux à l’esclavage, bien que de moins en moins rentable du fait du progrès industriel et du processus décrit ci-dessus, resta monnaie courante jusqu’à son abolition violente et sanglante, qui fit suite à l’intervention agressive de l’État imposant les patrouilles d’esclaves obligatoires et l’interdiction de l’affranchissement privé des esclaves.[4]
Le progrès semble donc reposer sur trois choses : l’accumulation de capital, le progrès technologique et une idéologie publique permettant de le soutenir. Il faut produire davantage d’outils, en inventer de meilleurs et faire en sorte que les gens sachent et veuillent les utiliser.
Le piège malthusien a été brisé, mais il n’est pas certain que l’humanité soit à même de promouvoir une coopération encore plus féconde. Mais compte tenu de son omniprésence dans toute l’économie, la monnaie ce grand catalyseur de la division du travail qui permet tout développement économique, la monnaie est une technologie mûre pour l’innovation.
Les origines de la monnaie
Dans un monde de certitude absolue, il n’y a pas besoin de monnaie. Dans son ouvrage L’Action Humaine Ludwig von Mises décrit l’état hypothétique de ce qu’il appelle « l’économie en rotation régulière » : un état sans changement et donc sans incertitude. Dans cet équilibre, il n’y a pas d’action, car toutes les connaissances portant sur le moment et la manière d’allouer et d’échanger les ressources sont déjà connues.
Cependant, dans le monde réel, nous ne connaissons pas l’avenir. Confrontés à l’incertitude nous disposons de peu de moyens pour y faire face. Les circonstances et les préférences sont susceptibles de varier à tout instant, tant pour nous-mêmes que pour les autres. C’est pourquoi il nous faut nous préparer.[5] Nous ne pouvons pas compter sur l’échange direct pour obtenir les ressources que nous désirons, en raison du problème dit de la double coïncidence des besoins. Il se peut que les autres ne possèdent pas ce que nous voulons, ou qu’ils ne désirent pas ce que nous avons, et vice versa. Pour faire face à cette incertitude, nous commençons à acquérir des biens, non pas pour eux-mêmes, mais parce que nous estimons qu’ils sont plus susceptibles d’être désirés par ceux avec qui nous souhaitons échanger. Ces biens peuvent être qualifiés de « moyens d’échange ».
En la matière tous les biens ne se valent pas. Si le bien n’est pas durable l’acteur économique ne peut être certain qu’il sera encore utile au moment où dans le futur il voudra lui-même procéder à un échange. S’il n’est pas transportable, il pourrait ne pas être accessible à l’endroit même où il souhaitera effectuer l’échange à l’avenir. S’il n’est pas divisible, il pourrait ne pas être disponible dans la quantité qu’il veut échanger dans le futur. Un acteur économique voudra choisir un bien qui répond au mieux à ces incertitudes et qui reste vendable dans le plus grand nombre de lieux, sur la plus longue durée, et aux échelles les plus variées. Comme le souligne Mises dans La Théorie de la monnaie et du crédit, « une tendance implacable veut qu’au sein d’une série de biens utilisées comme moyens d’échange les moins commercialisables soient rejetés un à un jusqu’à ce qu’il ne reste finalement qu’un seul bien, universellement employé comme moyen d’échange ; en un mot, la monnaie. »[6]
Historiquement, cette concurrence du marché pour le bien le plus vendable a convergé vers l’or, en raison de ses propriétés physiques désirables : le faible taux de croissance de son offre, sa durabilité, sa malléabilité, etc. Cependant, si ces propriétés se sont montrées bénéfiques à l’époque, elles n’ont manifestement pas suffit sur le long terme.
L’État et ses motivations
Les entreprises productives sont dans leur action contraintes par des moyens économiques pacifiques, parce qu’elles dépendent de la propriété privée, qu’elles sont soumises aux caprices de la demande des consommateurs et qu’elles n’ont d’autre recours face à la concurrence que de s’améliorer en baissant les coûts de production et en augmentant la qualité. L’État, en revanche, n’est pas soumis à de telles contraintes. Disposant du monopole territorial de la décision finale, il opère par des moyens coercitifs. Les individus et les entreprises sont contraints de payer pour assurer son existence par le biais des impôts et d’autres formes d’expropriation, ce qui démontre à priori que l’État ne fournit pas des services réellement demandés par les opérations pacifiques du marché. L’expropriation réglementaire et fiscale fournit non seulement un revenu à l’État, mais elle met aussi à sa disposition un mécanisme lui permettant de restreindre la concurrence.
Toutefois, comme l’explique Hans-Hermann Hoppe, la violence n’explique pas à elle seule le succès durable d’un État, et ce dernier fait face à un autre type de contrainte, celle de l’opinion publique.[7] Pour qu’un État fonctionne comme il le fait,
[…] une firme doit, en plus du pouvoir de coercition, bénéficier du soutien de l’opinion publique. Une majorité de la population doit accepter ses opérations comme légitimes. Cette acceptation peut aller de l’enthousiasme actif à la résignation passive. Mais cela doit être une acceptation, dans le sens où une majorité doit avoir abandonné l’idée de résister activement ou passivement à toute tentative d’imposer des acquisitions non productives et non contractuelles de propriété. Au lieu de s’indigner de ces actions, de mépriser tous ceux qui s’y livrent et de ne rien faire pour participer à leur réussite (sans parler même de chercher à s’y interposer activement), une majorité doit les soutenir activement ou passivement. L’opinion publique qui soutient l’État doit contrebalancer la résistance des propriétaires victimes, afin que leur résistance active apparaisse futile. L’objectif de l’État, et de chacun de ses employés souhaitant contribuer à préserver et à améliorer sa propre position en son sein, est et doit être de maximiser la quantité de richesses et de revenus acquis de manière abusive en produisant une opinion publique favorable et en fabriquant une légitimité.
Pour cette raison, l’État désire naturellement restreindre toute concurrence susceptible de menacer la légitimité d’un État, et redistribue « à des personnes extérieures à l’appareil de l’État une partie de la richesse acquise par la force [cherchant] ainsi à les corrompre pour qu’elles assument des rôles de soutien à l’État ». L’État cible en premier lieu la monopolisation de la loi et de la sécurité, comme moyen de réaliser et d’appliquer l’expropriation, malgré son agression contre les droits de propriété naturels. Une autre cible clé est l’éducation, afin d’inculquer aux citoyens un soutien idéologique à l’État et à ses actions.
Le pouvoir de l’État moderne repose sur la monopolisation d’une industrie particulière : la monnaie et la banque.
La monopolisation de la monnaie et des banques est le pilier ultime sur lequel repose l’État moderne. En fait, c’est sans doute devenu pour l’État l’instrument le plus précieux pour augmenter ses revenus. En effet, nulle part ailleurs l’État ne peut faire un lien plus directe, rapide et sûre entre redistribution-dépenses et exploitation-rendement qu’en monopolisant la monnaie et les banques.
Si un État peut établir une monnaie fiduciaire entièrement monopolisée, il peut la falsifier à volonté. Grâce à l’inflation monétaire par la contrefaçon (en émettant un plus grand nombre d’unités monétaires sans pour autant fournir la marchandise sous-jacente supplémentaire), il peut indirectement redistribuer de la richesse de l’économie vers lui-même et ce à faible coût et sans la moindre crainte de faillite.
Cependant, Hoppe relève qu’il existe des obstacles au processus de monopolisation de la monnaie. Premièrement, la monnaie marchandise est produite par le marché, plutôt que par l’État. Deuxièmement, bien que l’inflation ne soit pas aussi visible que la taxation, elle sera tout de même ressentie et remarquée, en particulier par les banques. Par conséquent, l’État est limité à la fois par la provenance de la monnaie marchandise et par l’idéologie publique, « et donc il est impossible pour l’État de s’en sortir par la contrefaçon institutionnalisée, à moins qu’elle ne soit combinée à des mesures de redistribution capables d’entraîner une nouvelle évolution favorable dans l’opinion publique ».
Le libre marché ayant historiquement arrêté son choix sur l’or en tant que monnaie, l’État a cherché à en exploiter les vulnérabilités, en particulier son manque de vendabilité lié à ses propriétés physiques qui ne lui permettaient pas de réduire l’incertitude économique.
L’or n’a pas résolu cela
Hoppe commence par retracer le processus de monopolisation :
Dans un premier temps, la frappe de l’or doit être monopolisée par l’État. Cela a pour but de désinternationaliser l’or psychologiquement en passant d’une perception marquée de l’or comme bien libellé en termes de poids universel à un or libellé en termes d’étiquettes fiduciaires. Et cela élimine un premier obstacle important à la contrefaçon, en donnant à l’État le moyen institutionnel de s’enrichir par un processus systématique de dépréciation de la monnaie.
Bien que l’or possède de nombreuses propriétés intéressantes pour une monnaie, la vérification de l’or reçu lors d’un échange commercial est très coûteuse. Compte tenu de la valeur nécessaire associée à un bien pour qu’il constitue un moyen d’échange largement accepté, l’État n’est pas seul à vouloir falsifier la monnaie. Tous les paiements reçus doivent être considérés comme suspects. Si certains tests de base peuvent être effectués par tout un chacun, aucun de ces tests n’est automatique. Dans le pire des cas, et en particulier pour les paiements importants, des analyses chimiques fort coûteuses, qui requièrent des professionnels qualifiés et des équipements onéreux, sont nécessaire pour savoir si vous êtes réellement en possession de tout l’or que vous croyez avoir reçu. La méthode standard la plus exigeante est l’essai par le feu ou coupellation, qui nécessite de faire fondre l’or pour le peser et le refondre.[8] Cela signifie que l’acheteur et le vendeur ne peuvent pas être certains qu’un échange est réglé. Le vendeur d’un bien ne peut pas être certain de recevoir la totalité (ou une partie) de la somme d’or en paiement, et l’acheteur ne peut pas savoir s’il n’est pas en train d’utiliser de la fausse monnaie ayant été lui-même escroqué lors d’une transaction précédente.
Par le passé, cette incertitude était minimisée par un hôtel des monnaies, qui pouvait produire des pièces d’or standardisées d’une certaine qualité et dotées d’un design reconnaissable et familier qui pouvait même aider une personne à savoir si la pièce avait été trafiquée, comme par exemple des stries à l’extérieur qui seraient lissées si quelqu’un s’aventurait à limer la pièce. Ces hôtels de monnaie percevaient un revenu de seigneuriage en fixant le prix des pièces à un niveau supérieur à la teneur réelle en métal.
En même temps, cette confiance dans l’hôtel des monnaies pouvait entrainer des abus. Ce dernier pouvait retirer de la circulation des pièces, en diminuer la teneur réelle en or et en argent, et les réintroduire au même prix, augmentant ainsi son revenu de seigneuriage par l’avilissement, la dégradation des pièces. Il pouvait également émettre plus de pièces que la quantité réelle de métal ne le permettait.
Les hôtels de monnaie centralisés réduisent l’incertitude sur la qualité du bien, mais uniquement par la mise en place d’un système centralisé de confiance, qui introduit une incertitude sur la quantité réelle de métal dans les pièces détenues et mises en circulation, et par extension sur la véritable masse monétaire de l’ensemble de l’économie. L’or étant décentralisé en tant que marchandise, il n’y a pas de possibilité d’auditer l’économie dans son ensemble.
Deuxièmement, l’emploi de substituts monétaires au lieu de l’or doit être systématiquement encouragée et cette tendance doit être soutenue par la promulgation de lois sur le cours légal. Le processus de contrefaçon devient ainsi beaucoup moins coûteux. Au lieu de devoir refrapper de l’or, il suffit d’imprimer des billets en papier.
Le stockage et le transport coûteux d’un bien en diminuent la vendabilité en raison de l’incertitude pesant sur la possibilité de le garder en sécurité jusqu’au moment de l’échange et de le livrer au moment t. En raison de son poids, les coûts de stockage et de transport de l’or augmentent en fonction de la valeur en or. Le stockage à long terme est mieux assuré par des tiers qui ont les moyens de se doter de la meilleure technologie de chambres fortes pour empêcher les vols. Le transport physique nécessite de gros véhicules et de la main-d’œuvre. Comme le vol survient également lors du transport, des mesures défensives doivent également être mises en œuvre pour faire face au risque des bandits de grand chemin, pirates et autres criminels. Le transport est également chronophage. Enfin, le caractère physique de l’or en réduit aussi la vendabilité à de plus petites échelles. Si une économie basée sur l’or devient trop riche, il sera difficile de régler des transactions avec des atomes physiques d’or.
Les banques ont résolu ce problème en émettant des substituts de monnaie sous la forme de certificats papier. Une fois encore, ce n’est qu’en passant par des tiers de confiance que l’or a pu gagner en vendabilité. Les banques pouvaient stocker l’or en toute sécurité et les gens pouvaient transférer les billets de banque beaucoup plus rapidement, facilement et à moindre coût, quelle qu’en soit la valeur. Toutefois, une incertitude demeure quant à la validité des billets de banque en tant que tels et quant à l’or qu’ils représentent effectivement dans un coffre-fort. L’inflation devient alors une pratique bien plus aisée et accessible à tout supposé gardien de l’or. Les banques peuvent faire l’objet d’un audit, mais pas de manière indépendante, de sorte que les clients doivent toujours faire confiance que leur or est géré correctement s’ils décident d’utiliser une banque (ce qui en pratique est nécessaire s’ils souhaitent s’engager dans un certain niveau de commerce). Ensuite, même avec une banque solvable, l’accès à l’or reste dépendant d’un tiers.
Une fois que les banques ont adopté des substituts monétaires à l’or, les États peuvent commencer à adopter des lois sur les monnaies légales afin d’augmenter leur capacité de contrefaçon. L’étape suivante consiste à cartelliser le secteur bancaire par la création d’une banque centrale. Une fois que c’est fait,
[…] l’État doit exiger de toutes les banques qu’elles déposent leur or à la banque centrale et qu’elles mènent leurs activités exclusivement avec des substituts monétaires au lieu de l’or. De cette façon, l’or disparaît du marché en tant que moyen d’échange réellement utilisé et les transactions quotidiennes sont de plus en plus caractérisées par l’utilisation de billets de banque centraux.
À ce stade, l’étalon-or n’est guère plus qu’un nom. Le peuple dispose d’une monnaie qui est plus vendable sur de nombreuses dimensions dans l’espace et à l’échelle. Théoriquement, ces solutions pourraient être réalisées par des entités privées respectant les droits de leurs clients. Cependant, les tendances centralisatrices permettent à l’État d’exploiter cette situation afin d’en tirer le bénéfice par le biais de l’inflation et de la contrefaçon. Les banques sont tentées par le contrôle de l’État en raison des avantages qu’elles tirent elles-mêmes du régime de la contrefaçon. Désormais, l’État et les banques deviennent les premiers bénéficiaires de l’argent nouvellement imprimé. Connu sous le nom d’effet Cantillon,[9] ces premiers bénéficiaires dépensent l’argent avant que l’économie ne puisse ajuster les prix pour refléter le changement de la masse monétaire.
L’idéologie publique favorable à ce système de monnaie fiduciaire procède de deux logiques. Premièrement, la technologie sous-jacente constitue à bien des égards une amélioration en créant une monnaie plus vendable, bien que son potentiel dans un contexte du libre marché soit maintenant coopté et monopolisé par l’État. Deuxièmement, l’État peut en tirer un avantage en s’attribuant le mérite des bienfaits économiques associées aux effets de cette monnaie plus vendable, tout en dissimulant les coûts de la contrefaçon sur l’économie. Du fait de leur rôle vital dans la facilitation de l’activité économique, les banques comptent naturellement parmi les institutions les plus puissantes de l’économie. Ces dernières fournissent encore plus de légitimité et de ressources pour la mise en place d’une idéologie publique défendant le rôle injuste de l’État dans l’ordre monétaire et lui permettant de perdurer. Il n’est donc guère surprenant que peu de personnes instruites aient la moindre chance d’avoir ne serait-ce qu’entendu le nom de Ludwig von Mises au cours de leurs études.
L’ordre mondial Fiat
Beaucoup d’encre a coulé sur ce qui s’est produit en 1971 et ce qui s’est passé depuis. Cette année-là, le peuple américain, et tout individu dépendant de la Réserve fédérale au niveau mondial, fut soumis à une expérience monétaire complète de type fiat. Le lecteur est invité à lire « Banking, Nation States, and International Politics » de Hans-Hermann Hoppe pour une étude plus complète de la construction de cet ordre mondial fiat.
L’ordre mondial fiat encourage notamment les États à étendre leur pouvoir non seulement par la conquête militaire, mais aussi par leur engagement dans un impérialisme monétaire :
Il est dans l’intérêt naturel d’un État d’étendre son territoire militairement ; on peut donc s’attendre à une tendance à la concentration relative des États. Il est également dans l’intérêt d’un État de s’engager dans l’ « impérialisme monétaire », c’est-à-dire d’étendre sur de plus vastes territoires son pouvoir de contrefaçon; il faut donc s’attendre à une tendance à la création d’une monnaie papier unique.
Ces deux intérêts et tendances se complètent. D’une part, tout mouvement en direction d’un cartel international de la contrefaçon est voué à l’échec si il n’est pas accompagné par la mise en place d’une domination et d’une hiérarchie militaires. Les pressions économiques externes et internes tendraient à faire éclater le cartel. Avec la supériorité militaire, en revanche, un cartel d’inflation devient possible. D’autre part, une fois un tel cartel rendu possible par la domination militaire, l’État dominant peut effectivement étendre son pouvoir d’exploitation sur d’autres territoires sans avoir à recourir à la guerre et à la conquête. En fait, la cartellisation internationale de la contrefaçon permet à l’État dominant de poursuivre par des moyens plus sophistiqués (c’est-à-dire moins visibles) ce que la guerre et la conquête seules ne pourraient sans doute pas réaliser.
À une échelle plus individuelle, les comptes bancaires en monnaie fiat sont régulièrement fermés et bloqués sur la base de simples caprices politiques. Les paiements à certains marchands et à certains pays sont parfois interdits, même si la transaction elle-même est légale. L’accès à son propre argent n’est tout simplement pas un fait acquis.
Malgré tout cela, compte tenu des capacités technologiques disponibles dans l’économie, le marché a quand même choisi l’or. Mais ce même choix a rendu l’économie vulnérable à la contrefaçon. Ces mêmes tiers dont on avait besoin pour que l’or fonctionne comme monnaie ont également rendu possible l’ordre mondial fiat. Sans progrès technologique significatif, aucune solution saine de remplacement n’est possible, et encore moins le soutien du public.
Bitcoin corrige cela
En 2009, l’économie était bien engagée dans la révolution numérique. Un certain nombre de technologies clés avaient été adoptées et largement diffusées, notamment les arbres de hachage, la cryptographie à clé publique, les réseaux P2P et le [ndt. algorithme de hachage sécurisé] SHA-256.[11] Un brillant programmeur pseudonyme nommé Satoshi Nakamoto combina ces technologies pour créer Bitcoin.
Bitcoin résout ce que l’on appelle le problème de la double dépense sans autorité centrale. N’importe quel autre système de monnaie numérique existant, y compris les monnaies fiat existantes et les infrastructures de paiement qui en dépendent, ainsi que d’autres monnaies numériques, nécessite une autorité centrale afin de dicter et conserver l’historique réel d’un registre monétaire, afin de s’assurer que les mêmes unités de monnaie ne sont pas dépensées à deux reprises. Bitcoin, au contraire, décentralise la tenue des comptes et utilise un système de preuve de travail pour maintenir un consensus sur l’historique réel du grand livre entre comptables indépendants.
Un nœud complet Bitcoin est un comptable indépendant. Il se connecte au réseau Bitcoin, télécharge l’ensemble de l’historique du grand livre et valide chaque bloc et chaque transaction reçue à partir des règles de Bitcoin qu’il a adoptées.[12]
Chaque nœud complet fonctionne de manière indépendante selon sa propre instanciation du logiciel et les règles qu’il contient. Les entrées de transaction doivent être signées cryptographiquement par la ou les clés privées correctes. Ces entrées doivent pouvoir être reliées à des sorties de transaction valides. La valeur totale des entrées doit être supérieure ou égale à celle des sorties.
En outre, les blocs doivent comporter des transactions valides dont les entrées n’ont pas déjà été dépensées. Ils doivent inclure un pointeur vers un bloc valide précédent. Ils doivent avoir un nonce de preuve de travail associé qui permet une collision de hachage partielle d’une certaine difficulté de calcul. Ils doivent inclure une seule transaction Coinbase, qui n’a pas d’entrée, mais dont la sortie ne doit pas être supérieure à la subvention du bloc actuel plus les frais de transaction.
Il existe de nombreuses autres règles qui sont vérifiées, automatiquement, chaque fois qu’une transaction ou un bloc atteint un nœud bitcoin.[13] Dans son ensemble, le nœud complet instancie un comptable automatisé qui représente la volonté de l’utilisateur, indépendamment de qui que ce soit d’autre dans l’univers, et sur la base d’une configuration particulière des paramètres du réseau de son choix.
Le réseau bitcoin a été conçu de telle sorte qu’un nœud complet peut fonctionner dans un bunker, coupé du reste du monde, à l’exception d’une seule connexion Internet.[14] Un nœud complet peut juger par lui-même de toute donnée qu’il reçoit et qui prétend être un bloc ou une transaction valide. La preuve de travail permet au nœud complet d’ordonner correctement les données. Il suffit d’un seul bloc avec une preuve de travail plus difficile pour que le nœud complet sache exactement comment réorganiser sa copie de la blockchain pour rejoindre le consensus. Une attaque éclipse, par laquelle un nœud complet n’est plus connecté qu’à des nœuds adversaires, ne peut persister que jusqu’à ce que ce nœud parvienne à recevoir une seule charge utile d’en-tête de bloc de 80 octets qui raconte une histoire différente. Une fois que le nœud complet reçoit un bloc et des transactions et qu’il valide les données, il connaît l’état du réseau bitcoin, et il le connaît avec certitude.
Un nœud complet Bitcoin est une machine à certitude. Lorsqu’un utilisateur exécute un nœud complet, il obtient un niveau de certitude sur un réseau monétaire qu’aucun humain n’avait avant l’existence de Bitcoin. Toutes les autres technologies monétaires sont criblées d’incertitudes. Bitcoin résout ce problème.
L’objectif fondamental de l’ingénierie du Bitcoin est de résoudre deux problèmes : la double-dépense et l’émission [ndtr. monétaire]. Le premier problème est résolu par l’horodatage de la preuve de travail. Le second par l’ajustement de la difficulté et les exigences portant sur les transaction de coinbase. Comme nous allons le voir, résoudre ces deux problèmes, et les solutionner comme l’a fait Bitcoin, a permis de colmater les failles de sécurité qui dans les technologies monétaires précédentes occasionnaient des incertitudes exploitées à des fins politiques monopolistiques.
La première étape vers un contrôle étatique de la monnaie a consisté à en monopoliser la frappe, afin d’introduire un modèle de confiance pour la vérification des pièces. Bitcoin a résolu ce problème en introduisant un grand livre de comptes sécurisé par cryptographie dans lequel la validité d’une unité est vérifiée automatiquement et instantanément. L’exploitation d’un nœud permet à un utilisateur de s’assurer que l’offre et la qualité de toutes les unités sont mathématiquement saines. L’offre est gérée par des règles de subvention strictes pour la transaction coinbase et les exigences de difficulté de preuve de travail, et l’échéancier par l’ajustement de la difficulté. Les destinataires des unités de bitcoin nouvellement émises ne peuvent réaliser un bénéfice que dans la mesure où ils peuvent continuer à trouver des sources d’énergie et du matériel rentables dans un contexte fortement concurrentiel, et non simplement en ayant obtenu un monopole légal pour produire des pièces à un prix supérieur à leur valeur de fusion. Bitcoin résout le seigneuriage.
La seconde étape a consisté à encourager l’utilisation de substituts monétaires au lieu de la monnaie marchandise elle-même. Cela n’est pas malveillant en soi, car les substituts monétaires permettent d’effectuer des transactions qui seraient autrement prohibitives en raison des coûts de stockage et de transport et du manque de divisibilité. Cependant, cela introduit nécessairement un risque de contrepartie associé à la banque qui détient la monnaie, ce qui demande aux utilisateurs de rester confiants qu’elle dispose bien de la marchandise pour un échange.
Les coûts de stockage et de transport de Bitcoin sont en revanche de plusieurs ordres de grandeur inférieurs à ceux de l’or. Le stockage des bitcoins ne nécessite fondamentalement que la capacité de conserver une clé privée de 256 bits. Le coût de stockage des clés de Bitcoin est indépendant de la valeur du bitcoin, et cela vaut que les clés détiennent ou contrôlent quelques satoshis ou quelques milliers de bitcoins. Comme pour les logiciels et les informations purs, des méthodes de stockage innovantes peuvent être adoptées. Là où toute autre monnaie en circulation nécessite de placer des unités dans un coffre-fort ou un registre centralisé, les nœuds complets Bitcoin reconnaissent l’utilisation de transactions à signatures multiples – multisig -, permettant un stockage décentralisé qui peut même être pluri-juridictionnel. Les clés peuvent également être stockées dans la mémoire de l’utilisateur, ce qui permet de se passer d’un emplacement physique pour le stockage, ce qui peut s’avérer utile pour se prémunir contre l’incertitude politique. Bitcoin ne nécessite pas non plus l’ouverture d’un coffre bancaire pour déposer des fonds supplémentaires.
Le transport et le règlement sur Bitcoin sont beaucoup moins chers que sur tout autre réseau monétaire existant, y compris la monnaie fiduciaire numérique, car ils peuvent se produire entre deux clés, n’importe où dans le monde et à tout moment, pour un coût relativement faible. Le règlement peut se faire en une heure, ou instantanément grâce au réseau Lightning. Alors que l’or pâtissait d’une limite à sa divisibilité, rendant difficiles les transactions de petites quantités d’or en l’absence de substituts monétaires, le bitcoin peut être échangé facilement pour de petits montants, en particulier avec le réseau Lightning, qui permet des montants inférieurs au satoshi. En outre, les coûts associés aux transaction sur la monnaie bitcoin de base sont uniquement fonction de la consommation de données, de sorte que la valeur du bitcoin peut augmenter à l’infini sans pour autant entraîner des coûts extrêmement élevés.
L’exécution d’un nœud complet permet à son utilisateur de devenir sa propre banque, de sorte qu’aucune banque émettrice de billets n’est nécessaire, ce qui empêche tout problème de contrefaçon ou de double dépense, à moins qu’une personne ne décide délibérément de prendre un risque de contrepartie. Par exemple, l’introduction d’un substitut de monnaie sur un exchange ne peut affecter la monnaie de façon systémique, mais seulement de façon localisé aux utilisateurs de ce substitut. Dans la mesure où l’on peut considérer une deuxième couche, telle que Lightning, comme un substitut monétaire, un utilisateur peut maintenir son propre nœud complet et chaque unité est cryptographiquement liée à la monnaie de base réelle, garantissant ainsi que chaque transaction est valide selon la comptabilité de son nœud complet bitcoin. Les utilisateurs habitués à un niveau d’exigence plus élevé en matière de règlement indépendamment vérifiable de la monnaie de base et de certains substituts monétaires, ils peuvent nourrir des attentes beaucoup plus élevées et des exigences plus strictes vis-à-vis des services tiers, ainsi que davantage d’outils pour identifier les mauvais comportements à corriger rapidement dans le processus du marché.
Cela permet également d’interfacer la monnaie de base d’une manière qui résiste à la censure. Dans un système bancaire entièrement fiat, tous les paiements reposent sur des substituts monétaires imposant le recours à des contreparties qui peuvent bloquer les transactions et fermer les comptes. En étant leur propre banque, les utilisateurs de bitcoins peuvent diffuser des transactions comme ils le souhaitent, et pour peu que des frais suffisamment élevés soient payés, un mineur peut avec une preuve de travail suffisante inclure la transaction dans un bloc, qui à son tour met à jour la blockchain sur chaque nœud partageant le même ensemble de règles. Si vous exécutez un nœud, vous pouvez vérifier avec la même certitude que n’importe quelle autre transaction que le paiement a réussi.
Étant donné qu’un nœud Bitcoin complet est censé pouvoir fonctionner dans un bunker, la commercialisation du bitcoin tend vers la production de logiciels rétrocompatibles. Si les règles devaient changer d’une manière incompatible avec le passé, un utilisateur serait obligé de consulter une source de logiciel de confiance pour obtenir le logiciel et les règles corrects chaque fois qu’il souhaite se synchroniser avec le réseau. Cette tendance renforcée à la rétrocompatibilité garantit aux opérateurs de nœuds que leur compréhension du réseau, en particulier de leurs propres soldes, et que leur capacité à dépenser leurs pièces resteront intacts. On ne peut pas en dire autant des utilisateurs de systèmes monétaires fiat qui se réveillent en découvrant qu’ils ne peuvent plus accéder à leur argent, souvent sans aucun recours.
Enfin, l’utilisation d’un nœud Bitcoin complet confère l’assurance accrue d’un contrôle individuel sur la divulgation d’informations d’identification à des tiers. Le réseau bitcoin fonctionne de manière pseudonyme, mais dans le cadre d’échanges, des informations peuvent être partagées sur la propriété des adresses, pouvant révéler l’identité, les soldes et la manière dont les bitcoins sont stockés. En utilisant un nœud complet, un utilisateur réduit le nombre d’informations qu’il doit partager pour s’interfacer avec le réseau, et peut donc réduire le niveau d’incertitude associé à la diffusion publique de certaines informations qui pourraient être utilisées contre lui par de mauvais acteurs.
L’architecture novatrice et révolutionnaire de Bitcoin, conçue pour permettre une propriété et une vérification indépendantes, efface complètement les problèmes clés qui ont conduit à la centralisation de l’or. Bitcoin a réparé la monnaie, et cette réalisation est désormais à la portée de chaque individu.
Nœuds Bitcoin et individualisme méthodologique
L’école autrichienne emploie l’individualisme méthodologique parmi ses outils de discernement de la théorie économique. Alors que certaines écoles de pensée professent qu’un groupe peut être doté d’une volonté propre, les Autrichiens reconnaissent que ce groupe est lui-même composé d’individus, dont nous pouvons analyser les actions. Ludwig von Mises écrit :
Il faut d’abord se rendre compte que toutes les actions sont réalisées par des individus. Un collectif fonctionne toujours par l’intermédiaire d’un ou plusieurs individus dont les actions sont liées au collectif en tant que source secondaire. C’est le sens que les individus agissants et tous ceux touchés par leur action attribuent à une action, qui détermine son caractère. C’est le sens qui marque une action comme étant l’action d’un individu et une autre action comme étant l’action de l’État ou de la municipalité. Le bourreau, et non l’État, exécute un criminel. C’est le sens des personnes concernées qui discerne dans l’action du bourreau une action de l’État. Un groupe d’hommes armés occupe un lieu. C’est le sens des intéressés qui impute cette occupation non pas aux officiers et aux soldats sur place, mais à leur nation. Si nous examinons le sens des diverses actions accomplies par les individus, nous devons nécessairement tout apprendre des actions des ensembles collectifs. Car un collectif social n’a pas d’existence et de réalité en dehors des actions des individus qui le composent. La vie d’un collectif est vécue dans les actions des individus qui constituent son corps. Il n’y a pas de collectif social concevable qui ne soit pas opérant dans les actions de certains individus. La réalité d’un ensemble social consiste en ce qu’il dirige et libère des actions déterminées de la part des individus. Ainsi, le chemin vers une connaissance des ensembles collectifs passe par une analyse des actions des individus.[15]
Il en va de même pour Bitcoin. Le réseau Bitcoin n’a pas de volonté propre. Il s’agit d’un groupe d’utilisateurs de bitcoins qui agissent individuellement sur la base d’un ensemble de règles de réseau partagée. Chaque individu est libre de choisir un ensemble de règles ou un autre, et le réseau lui-même est défini par le consensus sur ce que sont ces règles. Tout réseau TCP/IP entre deux ou plusieurs ordinateurs est un internet, mais un seul réseau TCP/IP est l’Internet. De même, tout réseau de nœuds bitcoin est un réseau bitcoin, mais un seul est « le » réseau bitcoin.
Lorsqu’un individu active un nœud Bitcoin, il exprime sa volonté quant à ce que devraient être les règles de Bitcoin, instanciées par un logiciel robuste qui ne permet aucune exception. Il n’a pas besoin d’autres raisons que son pur intérêt personnel pour activer le nœud. Ce dernier n’est pas censé ajouter de la sécurité au réseau dans un sens altruiste, où un nœud supplémentaire renforcerait un indicateur de sécurité particulier. Au lieu de cela, il ajoute au réseau une expression de ce qui définit une unité de bitcoin que son utilisateur recevra et dépensera.
Les utilisateurs ne choisissent pas seulement selon règles qui les intéressent personnellement. Un utilisateur peut souhaiter des paramètres du réseau légèrement différents, peut-être avec une taille limite de bloc plus importante ou un nouveau type de transaction. Mais au lieu de cela, il choisit la manière d’instancier son nœud selon ce qui est le plus susceptible de lui permettre d’effectuer les échanges économiques les plus intéressants. Même si une fonctionnalité qu’il désire peut lui être bénéfique, et même si d’autres pourraient la souhaiter s’ils la comprenaient mieux, si l’instanciation de cette fonctionnalité empêche un consensus avec le réseau qui leur donne la plus grande capacité d’échanges économiques de valeur, ils peuvent en venir à accepter un tel compromis.
La sécurité du réseau ne repose donc pas sur le simple fonctionnement d’un nœud, mais sur la vendabilité, ainsi décrite par Carl Menger. Plus il y a de personnes qui décident de faire tourner leur nœuds ou de s’interfacer avec des nœuds soumis à un ensemble donné de règles de réseau, plus le réseau gagne en capacité d’échanges économiques. À mesure que le réseau gagne en capacité d’échanges économiques, davantage de personnes choisissent de faire tourner leur nœud ou de s’interfacer avec des nœuds qui suivent ces règles. Cette boucle de rétroaction continue à renforcer les règles répondant au mieux aux besoins du marché.
Cette vendabilité est signalée dans l’économie par divers prix. L’un d’entre eux est le prix des unités de bitcoin. Un réseau plus vendable sera plus demandé, et les unités de ce réseau particulier coûteront donc plus cher. Empiriquement, nous constatons que les unités prove nant d’un UTXO sur BTC se vendent plusieurs fois plus cher que les unités provenant du même UTXO sur n’importe lequel des autres forks. Un autre exemple est la difficulté de hachage. Comme les unités du « réseau » Bitcoin ont plus de valeur, les mineurs sont prêts à déployer plus d’efforts de calcul pour tenter de gagner une récompense. A nouveau, empiriquement, on constate que la difficulté pour résoudre la preuve de travail du BTC est de plusieurs ordres de grandeur supérieure à celle de ses forks.
Ainsi s’érige, comme le dit StopAndDecrypt, « une forteresse de validation impénétrable». Plus l’activité économique est régie par un ensemble de règles, moins les transactions et les blocs en conflit avec ces dernières peuvent pénétrer le réseau, rejetés par les nœuds avant même d’être relayés vers d’autres nœuds.[16] A partir de choix individuels de milliers puis de millions d’acteurs, un seul réseau Bitcoin, un système de comptabilité hyper discriminatoire, émerge comme le moyen et le protocole d’échange couramment accepté. E pluribus unum.
Bitcoin n’est pas facultatif
Il n’y a pas de réseau bitcoin en dehors des nœuds Bitcoin. Ceux qui ne gèrent pas leur propre nœud complet utilisent le nœud complet de quelqu’un d’autre. Lorsqu’une personne utilise le nœud complet de quelqu’un d’autre, elle fait confiance aux déclarations de cette entité concernant le nœud complet. La seule façon de savoir si vous interagissez avec Bitcoin comme vous l’imaginez est de faire tourner un nœud complet.
Il suffit de détenir des clés privées pour disposer d’une propriété individuelle, mais ce n’est qu’avec un nœud que cet utilisateur peut avoir la certitude que les pièces existent réellement. Ce n’est qu’à travers une interface de nœud qu’il peut savoir si les adresses associées à ses clés ont reçu des UTXOs. Plus précisément, ce n’est que par une telle interface qu’ils sait que les adresses ont reçu des UTXOs sur le réseau qu’ils imaginent. Les clés dépendent d’un nœud complet pour avoir la connaissance de leur relation avec le réseau.
La capacité de vendabilité qu’offre le bitcoin est inégalée parmi toute les autres technologies monétaires. Il n’y a pas de clés privées dignes de ce nom dans un système fiat, et il n’y a pas non plus d’audit significatif du réseau fiat. Tout acteur désireux de bénéficier des garanties du bitcoin doit participer au réseau Bitcoin s’il souhaite se couvrir contre un ensemble donné d’incertitudes. Ce n’est qu’en détenant les clés des bitcoins et en faisant fonctionner un nœud Bitcoin complet que l’on peut opérer avec de réelles garanties de propriété, de rareté et de résistance à la censure.[17] C’est vrai pour le pauvre fermier du Salvador et c’est vrai aussi pour les individus et les institutions les plus riches du monde, y compris la Réserve Fédérale.
L’établissement d’un ordre mondial du Bitcoin
Même s’il peut sembler contradictoire qu’un État fondé sur la monnaie fiat s’intéresse au Bitcoin, l’application de l’individualisme méthodologique révèle que l’État lui-même est composé d’individus, plutôt que d’un grand monolithe. Les individus qui composent l’État ont toujours leurs propres intérêts et besoins monétaires. Même là où Bitcoin serait susceptible de limiter le pouvoir de l’État, les individus pourraient eux-mêmes en bénéficier, ce qui les rend moins enclins à l’attaquer.[18] Les États et les superpuissances eux-mêmes demeurent dans un état d’anarchie les uns vis-à-vis des autres.[19] Ils peuvent toujours avoir besoin de commercer ou de rester compétitifs avec d’autres nations. Les petites nations qui ne disposent pas elles-mêmes du pouvoir d’imprimer de la monnaie, peuvent avec Bitcoin se procurer un avantage et une indépendance à long terme, comme on l’a vu au Salvador. Partout où le commerce et l’épargne font face à des incertitudes, il est souhaitable de disposer d’un actif monétaire qui puisse les couvrir. Ainsi, bien que les États puissent ressentir un antagonisme envers Bitcoin, nous constatons également qu’ils ne sont pas omnipotents et qu’ils doivent, tout comme nous, naviguer dans une économie changeante marquée par des avancées technologiques. Si Bitcoin peut effectivement devenir une monnaie de réserve mondiale, la Réserve Fédérale a tout autant besoin de son nœud complet et de sa Coldcard qu’un « bitcoiner toxique lambda de la plèbe ».
Cela ne veut pas dire que tous les États du monde, des plus faibles aux plus dominants, vont se contenter de passer au bitcoin demain. Cela nous montre simplement qu’il y a plus en jeu dans la concurrence monétaire que la seule force brute. S’agissant de la concurrence monétaire, beaucoup de choses ont été écrites ailleurs sur le potentiel économique du bitcoin à devenir une monnaie de réserve mondiale,[20] mais on a moins parlé du potentiel de croissance idéologique du bitcoin.
Bitcoin résout essentiellement trois problèmes de manière décentralisée : la propriété par le biais de la cryptographie à clé publique, la double dépense par le biais de l’horodatage par la preuve de travail et l’émission par le biais de l’ajustement de la difficulté de la preuve de travail. Le système étant fondé à partir d’un raisonnement contradictoire extrême, toute attaque réussie est considérée comme une faille fatale pour le système bitcoin. Ces problèmes, à leur tour, ne sont que des sous-ensembles de problèmes plus importants : l’expropriation par l’État et la contrefaçon. Chaque fois que Bitcoin renforce ses défenses face à des versions mineures de ces problèmes, il met également en place des défenses contre les versions les plus odieuses de ces problèmes.
Tout attaquant, présent ou futur, technique ou idéologique, se heurte à un système qui a déjà bâti ses mécanismes de défense contre lui. Toute attaque réussie qui ne tue pas Bitcoin enseigne au reste du réseau comment mieux s’en prémunir et se défendre contre toute autre attaque de même genre à venir. Aucune puissance de hachage ne peut forcer l’insertion d’un bloc invalide sur le réseau. Ainsi, lorsque les partisans de SegWit2x ont menacé de miner une chaîne de hard fork, davantage de bitcoiners ont compris l’importance de se fier à leur propre nœud, plutôt qu’à celui de quelqu’un d’autre.[21] Lorsque des exchanges furent piratés et des plateformes de prêt liquidées, davantage de bitcoiners ont pris conscience de l’importance de détenir leurs propres clés. Ils l’ont fait par prudence économique, pour accroître leur certitudes concernant leur argent, tout en contribuant à renforcer la défense contre des acteurs plus puissants souhaitant lancer des attaques similaires à plus grande échelle.
Dans le même temps, Bitcoin met à notre disposition une technologie monétaire d’une capacité et d’une vendabilité sans précédents, permettant d’atténuer les incertitudes qui ont hanté l’homme pendant des siècles, et présente des possibilités qui le rendent encore plus adapté dans cette époque toujours plus connectée à Internet. En outre, étant donné qu’il s’agit d’un pur logiciel, Bitcoin n’a cessé de développer ses capacités et promet de continuer à le faire. Tout acteur à la recherche d’une monnaie qui marche, c’est-à-dire tout personne agissant dans le cadre d’une division du travail développée, a besoin du bitcoin. À mesure que l’adoption se poursuit, de plus en plus de personnes font confiance au réseau, ce qui encourage chaque participant à considérer de plus en plus sérieusement l’ensemble des solutions disponibles via une participation auto-souveraine, ainsi que la correction de toute vulnérabilité potentielle à de futures attaques.
Au final, quiconque a besoin d’argent est attiré par Bitcoin, et quiconque est attiré par Bitcoin est captivé par la défense de Bitcoin. Croissance économique et volonté de sécuriser et de défendre Bitcoin sont intimement liées. Dans un brillant essai intitulé « The Will To Be Free : The Role of Ideology in National Defense » (La volonté d’être libre : le rôle de l’idéologie dans la défense nationale),[22] Jeffrey Rogers Hummel s’interroge sur la capacité d’une hypothétique société sans État à se défendre contre les attaques extérieures :
Par l’acte même de renverser le gouvernement national (que ce soit pacifiquement ou par la force), les anciens sujets se seront forgés de puissants outils pour se protéger des gouvernements étrangers. Le même consensus social, les mêmes institutions et les mêmes impératifs idéologiques qui leur auront permis de se libérer de leur propre État seront automatiquement en place pour se défendre contre tout autre État qui tenterait d’occuper le vide laissé.
À chaque étape de l’essor du Bitcoin, un nouvel ensemble d’individus doit mesurer les incertitudes auxquelles ils sont confrontés dans le monde, et se demander si Bitcoin peut résoudre leurs problèmes. Ainsi, même si au début ils n’acquiescent pas, tous doivent commencer à discuter à travers le prisme « bitcoin ou shitcoin ? » de tout changement à l’état actuel des choses concernant la souveraineté associée au Bitcoin qui requiert un nœud complet et la détention des clés privées. Bitcoin devient une fonction de forçage dans les discussions économiques pures portant sur l’actif choisir à des fins monétaires.
Ceux qui pour une raison ou une autre en viennent à choisir Bitcoin se retrouvent engagés sur un chemin qui, par nécessité, raffermit leur résolution à maintenir Bitcoin exactement comme il est, ce qui, par nature même correspond à une position implicite ou explicite contre toute double dépense et contrefaçon. Ceux qui adoptent Bitcoin voient sur le long terme une appréciation spectaculaire du pouvoir d’achat de leurs économies. Ils augmentent leurs certitudes quant à l’état et la valeur de leur monnaie et de leur réseau monétaire, quant à l’accès à leurs fonds et la capacité de les liquider. Chaque nouvel essor signale un succès qui assoit plus encore sa crédibilité pour les autres, et chaque croissance d’un ordre de grandeur émet un signal égal voire supérieur de capacité. Partant d’un seul utilisateur, ce processus a donné naissance à un réseau mondial avec des milliers de nœuds, des centaines de milliards de dollars de valeur et des États-nations entiers. Au fil du temps, à la question « bitcoin ou shitcoin ? » il n’y a qu’une seule réponse.
Ayant jeté les bases d’une solution aux problèmes de propriété, de double dépense et d’émission à tous les niveaux d’attaque, le réseau Bitcoin devait devenir suffisamment fort économiquement pour encourager les gens à l’apprécier en tant que monnaie. Et la capacité même de Bitcoin à résister suffisamment à ces attaques pour devenir une monnaie de réserve mondiale a exigé qu’assez de personnes détiennent leurs clés et gèrent un nœud complet pour préserver un tel ordre.
Une stratégie Bitcoin pour la paix mondiale
Après avoir créé une nouvelle monnaie de réserve mondiale, fondée sur une technologie monétaire de vendabilité supérieure à tous les niveaux, l’humanité aura évolué vers un système d’exploitation économique fondamentalement meilleur. Les déficiences de l’or auront été corrigées, et la facilité et les avantages de la monnaie fiat auront été adoptés sans avoir besoin de tiers de confiance. L’économie se développera plus rapidement, grâce à une division du travail plus importante et plus coopérative, qui pourrait même être renforcée par de nouvelles innovations logicielles renforçant les capacités technologiques du bitcoin.
Dans un tel monde à venir, la dépendance à l’égard du bitcoin augmentera nécessairement, ancrant les acteurs économiques dans une culture faisant le nécessaire pour assurer la sécurité du bitcoin.
Sans capacité de double dépense et de contrefaçon, le monopole de l’État sur la monnaie cessera d’exister, car personne n’aura de demande pour ses services. Dépourvu de leur moyen de redistribution des richesses le plus rentable, on verra s’accroître la productivité dans une économie dont les ressources seront moins siphonnées hors de portée des entreprises productives. Cette croissance sera multipliée car ces mêmes ressources ne seront pas redistribuées vers des personnes et des institutions les employant pour générer un soutien idéologique à la redistribution elle-même. Les conquêtes militaires seront limitées, car il faudra régler plus directement les dépenses de guerre, et l’impérialisme monétaire n’aura plus de raison d’être, car aucun peuple ne sera prêt à adopter un shitcoin.
Ceux qui auparavant étaient enclins à financer leurs entreprises par la contrefaçon et l’inflation disposeront désormais d’un mécanisme alternatif pour guider leurs actions. Dans un contexte où la capacité de production de l’économie augmente à un rythme plus élevé, l’augmentation du pouvoir d’achat de chaque unité de bitcoin impose à chaque inflationniste en puissance de choisir entre conserver ses bitcoins ou se battre contre un système monétaire qui ne peut pas perdre.
Depuis le genesis bloc de Bitcoin, l’humanité n’a plus besoin de se fier à des tiers pour manier un outil aussi vital que la monnaie. Le peuple peut désormais gérer ses propres nœuds et détenir ses propres clés, en maintenant une vigilance constante sur son argent et en l’utilisant comme bon lui semble. La révolution industrielle a libéré l’humanité du piège malthusien. Bitcoin, en mettant fin à la contrefaçon une bonne fois pour toutes, nous libère du piège de la monnaie fiat.
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“The Return to Sound Money” from The Theory of Money and Credit by Ludwig von Mises ↩︎
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See “From the Malthusian Trap to the Industrial Revolution: An Explanation of Social Evolution” from The Great Fiction by Hans-Hermann Hoppe. ↩︎
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See Capitalism by George Reisman, p. 621. Also see “Prices, Wages, and Labor” in The Church and the Market by Thomas E. Woods, Jr., and "How Capitalism Enriched the Working Class” in How Capitalism Saved America by Thomas J. DiLorenzo. ↩︎
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“Slavery, Profitability, and the Market Process” by Mark Thornton ↩︎
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For more on money as a hedge against future uncertainty, see “‘The Yield from Money Held’ Reconsidered” by Hans-Hermann Hoppe. For more on how the quality of a money affects its purchasing power, see “The Quality of Money” by Philipp Bagus. ↩︎
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Also see On the Origins of Money by Carl Menger, and The Fiat Standard by Saifedean Ammous. ↩︎
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“Banking, Nation States, and International Politics: A Sociological Reconstruction of the Present Economic Order” by Hans-Hermann Hoppe. See also “How is Fiat Money Possible?—or, The Devolution of Money and Credit” by Hoppe and “What Has Government Done to Our Money?” by Murray Rothbard. ↩︎
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See “The gold standard” from Chemistry World for a look into the work it takes to figure out if gold bullion is really made of gold. ↩︎
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See “How Central Banking Increased Inequality” by Louis Rouanet. ↩︎
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Posted on Bitcointalk on November 25, 2010 ↩︎
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See “Bitcoin is Worse is Better” by Gwern Branwen. ↩︎
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A pruned node can discard data that has already been verified and is not needed for further verification, but archival nodes retain entire copies of the blockchain for permanent record keeping. ↩︎
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For a more detailed breakdown of validating transactions and blocks, see “Protocol Rules” on the Bitcoin Wiki. ↩︎
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See “Proof That Proof-of-Work is the Only Solution to the Byzantine Generals’ Problem” by Oleg Andreev. Note that additional connections to the bitcoin network would be advantageous in preventing certain kinds of attacks. ↩︎
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“The Principle of Methodological Individualism” in Human Action by Ludwig von Mises ↩︎
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“Bitcoin Miners Beware: Invalid Blocks Need Not Apply” by StopAndDecrypt ↩︎
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See this Reddit post by Pieter Wuille on the importance of running and using your own full node. ↩︎
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See “Bitcoin’s Shroud of Subtlety and Allure” by Daniel Krawisz. ↩︎
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See “Do We Ever Really Get Out of Anarchy?” by Alfred G. Cuzán. ↩︎
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See “The SNI Mempool Crash Course in Political Economy”, The Bitcoin Standard by Saifedean Ammous, and “The Bullish Cash for Bitcoin” by Vijay Boyapati. ↩︎
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See The Blocksize War by Jonathan Bier. ↩︎
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Republished in The Myth of National Defense: Essays on the Theory and History of Security Production edited by Hans-Hermann Hoppe. ↩︎
Translated by BTC TouchPoint